Protocole vétérinaire contre la diarrhée chez le chien

Les troubles intestinaux chez le chien sont un problème de santé courant qui peut affecter considérablement son bien-être et celui de son propriétaire. La diarrhée se manifeste par une augmentation de la fréquence, du volume et/ou de la fluidité des selles. Elle peut être aiguë (de courte durée) ou chronique (persistant pendant plusieurs semaines ou mois). Comprendre les causes potentielles, les méthodes de diagnostic et les options de traitement est essentiel pour une prise en charge efficace et rapide de ce problème digestif.

Nous mettrons l'accent sur une approche individualisée et basée sur les preuves, afin d'aider les propriétaires à mieux comprendre la démarche vétérinaire et à prendre des décisions éclairées concernant la santé de leur animal. Ce guide sera également utile aux étudiants vétérinaires et aux assistants vétérinaires qui cherchent un rappel concis et actualisé sur ce sujet fréquent en pratique canine. Si votre chien présente des signes de diarrhée, il est important de consulter rapidement un vétérinaire pour établir un diagnostic précis et mettre en place un traitement adapté.

Importance et définition des troubles intestinaux canins

La diarrhée canine n'est pas seulement une nuisance, elle a un impact significatif sur la qualité de vie des chiens et de leurs propriétaires. Les consultations vétérinaires liées à ce problème représentent une part importante des dépenses en santé animale, et les médicaments prescrits contribuent également à ces coûts. Plus grave encore, une diarrhée non traitée ou mal gérée peut entraîner des complications sérieuses, telles que la déshydratation sévère et des déséquilibres électrolytiques potentiellement mortels, surtout chez les chiots et les chiens âgés.

Définition de la diarrhée

La diarrhée se définit par une augmentation de la fréquence des défécations (plus de trois selles par jour), une consistance anormale (selles molles à liquides) et/ou un volume accru des selles. Il est important de distinguer la diarrhée aiguë, qui dure généralement moins de deux semaines, de la diarrhée chronique, qui persiste au-delà de trois semaines. La diarrhée aiguë est souvent causée par une indiscrétion alimentaire ou une infection passagère. En revanche, la diarrhée chronique peut être le signe d'une maladie sous-jacente plus grave, comme une maladie inflammatoire chronique de l'intestin (MICI) ou une tumeur.

On distingue également la diarrhée de l'intestin grêle de la diarrhée colique. La diarrhée de l'intestin grêle se caractérise généralement par un volume important de selles, une fréquence normale ou légèrement augmentée des défécations, et une absence de mucus ou de sang frais. En revanche, la diarrhée colique se manifeste par un volume réduit de selles, une fréquence élevée des défécations (parfois avec ténesme, c'est-à-dire des efforts infructueux pour déféquer), et la présence de mucus et/ou de sang frais dans les selles.

Causes potentielles de la diarrhée canine

Les causes de la diarrhée chez le chien sont nombreuses et variées. Elles peuvent être regroupées en plusieurs catégories, notamment les causes alimentaires, infectieuses, non-infectieuses et celles liées à l'origine digestive. Comprendre les causes de la diarrhée est essentiel pour mettre en place un traitement approprié et efficace. Voici une exploration des principales causes possibles :

  • Causes Alimentaires :
    • Indiscrétion alimentaire (ingestion d'aliments avariés, non adaptés)
    • Changement brusque d'alimentation
    • Allergies ou intolérances alimentaires (par exemple, au gluten ou au lactose)
  • Causes Infectieuses :
    • Virales (parvovirus, coronavirus, rotavirus)
    • Bactériennes ( E. coli , Salmonella , Clostridium )
    • Parasitaires ( Giardia , coccidies, vers)
  • Causes Non-infectieuses :
    • Inflammatoires (MICI - Maladies Inflammatoires Chroniques de l'Intestin)
    • Médicamenteuses (antibiotiques, AINS)
    • Stress
    • Maladies systémiques (insuffisance rénale, hépatique, pancréatite)
    • Toxines (par exemple, ingestion de plantes toxiques ou de produits chimiques)
  • Origine Digestive :
    • Malabsorption / Maldigestion
    • Obstruction intestinale (corps étranger, tumeur)
    • Tumeurs

Anamnèse et examen clinique : les étapes clés du diagnostic

L'anamnèse (l'historique médical) et l'examen clinique sont les premières étapes cruciales dans la démarche diagnostique face à la diarrhée chez le chien. Une anamnèse détaillée permet de recueillir des informations essentielles sur les antécédents du chien, ses habitudes et les caractéristiques de sa diarrhée, tandis que l'examen clinique permet d'évaluer son état général et de rechercher des signes physiques de maladie.

L'importance de l'anamnèse détaillée

Une anamnèse complète doit inclure les éléments suivants :

  • Description de la Diarrhée : Fréquence, consistance, couleur, présence de mucus, sang (frais vs. digéré), odeur. Utiliser une échelle visuelle (type "Bristol stool chart" pour animaux) pour aider à la description. La fréquence des selles peut varier considérablement.
  • Historique Alimentaire : Type d'alimentation (croquettes, pâtée, ration ménagère), changements récents, accès à des aliments non adaptés, consommation d'objets étrangers (jouets, os, etc.).
  • Historique Médical : Vaccinations (parvovirus, etc.), traitements antérieurs (antibiotiques, vermifuges), maladies connues, allergies.
  • Environnement et Mode de Vie : Accès à l'extérieur, contact avec d'autres animaux (chenils, pensions), voyages récents.
  • Signes Cliniques Associés : Vomissements, perte d'appétit, léthargie, fièvre (normale : 38.3-39.2°C), douleurs abdominales, perte de poids, déshydratation.

L'examen clinique complet

L'examen clinique doit comprendre :

  • Évaluation de l'État Général : Température, fréquence cardiaque (normale : 60-160 bpm), fréquence respiratoire (normale : 16-32 rpm), auscultation cardiaque et pulmonaire.
  • Palpation Abdominale : Recherche de douleurs, masses, épaississements intestinaux, présence de gaz.
  • Évaluation de l'Hydratation : Temps de remplissage capillaire (normal : < 2 secondes), élasticité de la peau (pli cutané). La déshydratation peut être légère, modérée ou sévère.
  • Évaluation des Muqueuses : Couleur (pâleur, cyanose), temps de remplissage capillaire.
  • Examen Rectal : Recherche de sang, masses, corps étrangers.

Établir un score de gravité

Un score de gravité peut aider à objectiver l'évaluation de la diarrhée et à guider les décisions thérapeutiques. Le tableau suivant propose un exemple de score de gravité basé sur différents paramètres cliniques :

Paramètre Léger Modéré Sévère
Fréquence des selles 3-5 fois/jour 6-8 fois/jour > 8 fois/jour
Consistance des selles Molles Liquides Aqueuses
Présence de sang/mucus Rare Occasionnelle Fréquente
Appétit Normal/Diminué Diminué Anorexie
Hydratation Normale Pli cutané > 2 sec Pli cutané > 5 sec, muqueuses sèches
État général Vigilant Léthargique Prostré

Diagnostic : identifier l'origine de la diarrhée

Une fois l'anamnèse et l'examen clinique réalisés, l'étape suivante consiste à identifier l'origine de la diarrhée. Le choix des tests diagnostiques dépendra du score de gravité, des informations obtenues lors de l'anamnèse et des signes cliniques observés. L'objectif est d'orienter le traitement de manière ciblée et efficace.

Tests diagnostiques de première intention

Les tests de première intention sont généralement non invasifs et peu coûteux. Ils permettent d'écarter les causes les plus fréquentes de diarrhée. Ces tests peuvent inclure :

  • Examen Parasitologique des Selles (EPS) : Flottation, techniques de concentration (Baermann). Il est important de réaliser plusieurs EPS sur plusieurs jours en raison de l'excrétion intermittente de certains parasites ( Giardia ).
  • Coproculture (Si suspicion de bactériose) : Utile dans les cas de diarrhée sévère ou persistante, associée à des signes de septicémie.
  • Frottis Fécal (Cytologie) : Recherche de bactéries ( Clostridium perfringens , Campylobacter ), cellules inflammatoires.
  • Test ELISA Giardia : Plus sensible que l'examen parasitologique classique.
  • Test Parvovirus (Si suspicion) : Surtout chez les chiots non vaccinés.

Tests diagnostiques complémentaires

Si la diarrhée persiste ou s'aggrave malgré le traitement initial, des tests diagnostiques complémentaires peuvent être nécessaires pour identifier des causes plus rares ou plus complexes. Ces tests peuvent inclure :

  • Hématologie et Biochimie Sériques : Évaluation de la fonction rénale et hépatique, des électrolytes, des protéines. Recherche de signes d'inflammation.
  • Analyses d'Urine : Évaluation de la fonction rénale, recherche d'infection urinaire.
  • Échographie Abdominale : Recherche d'anomalies structurales (masses, épaississements intestinaux), évaluation des organes abdominaux.
  • Radiographies Abdominales : Recherche d'obstruction intestinale, corps étrangers.
  • Endoscopie / Coloscopie avec Biopsies : Pour l'exploration des MICI, la recherche de tumeurs et la réalisation de biopsies.
  • Tests d'Absorption Intestinale (Tryptophane, cobalamine, folate) : Pour évaluer la fonction d'absorption.
  • Dosage des Enzymes Pancréatiques (TLI) : Pour exclure une insuffisance pancréatique exocrine.

Algorithme diagnostique

Un algorithme diagnostique peut aider à organiser la démarche diagnostique et à choisir les tests les plus appropriés en fonction des résultats obtenus. Cet algorithme doit être adapté à chaque cas individuel, en tenant compte de l'anamnèse, de l'examen clinique et du score de gravité. Un exemple d'algorithme simplifié est présenté ci-dessous :

  1. Diarrhée aiguë : Tester pour les parasites et suivre l'alimentation.
  2. Diarrhée persistante : Biochimie, bilan hématologique, examens d'imagerie.
  3. Réponse négative : Endoscopie et biopsies.

Traitement : une approche individualisée

Le traitement de la diarrhée canine doit être individualisé en fonction de la cause sous-jacente, de la gravité des signes cliniques et de l'état général du chien. Une approche multimodale, combinant des mesures de soutien générales, un traitement diététique et, si nécessaire, un traitement médicamenteux spécifique, est souvent la plus efficace.

Mesures de soutien générales

  • Réhydratation :
    • Voie orale : Solution d'électrolytes (quantités et fréquence en fonction de la déshydratation).
    • Voie intraveineuse ou sous-cutanée : Importance du choix du soluté (Cristalloïdes, colloïdes) et du débit en fonction de l'état d'hydratation et des électrolytes.
  • Gestion de la Douleur : Analgésiques (opioïdes, AINS – à utiliser avec prudence et sous surveillance vétérinaire).
  • Anti-émétiques : Maropitant, Métoclopramide (pour contrôler les vomissements).

Traitement diététique

Le régime alimentaire joue un rôle crucial dans la gestion de la diarrhée. Les objectifs du traitement diététique sont de réduire l'irritation intestinale, de favoriser la digestion et l'absorption des nutriments, et de restaurer la flore intestinale.

  • Jeûne (Si vomissements) : Durée limitée (12-24 heures) et reprise progressive de l'alimentation.
  • Aliments Très Digestibles : Formules commerciales spécialement conçues pour les troubles digestifs (faible teneur en graisses, protéines hydrolysées). Recettes maison (riz, poulet bouilli).
  • Probiotiques et Prébiotiques : Rôle dans la restauration de la flore intestinale. Choisir des souches adaptées aux chiens et ayant prouvé leur efficacité ( Enterococcus faecium , Lactobacillus spp.).
  • Fibres : Psyllium, pulpe de betterave (pour les diarrhées coliques).

Traitement médicamenteux spécifique

Le traitement médicamenteux doit être ciblé sur la cause sous-jacente de la diarrhée. Les médicaments couramment utilisés incluent :

Médicament Utilisation Remarques
Fenbendazole Giardia Administrer pendant 3 à 5 jours.
Sulfadiméthoxine Coccidies Administrer pendant 10 à 14 jours.
Métronidazole Bactéries anaérobies, MICI Utiliser avec discernement en raison du risque d'antibiorésistance.
Corticostéroïdes MICI Utiliser à long terme sous surveillance vétérinaire.

Suivi et adaptation du traitement

Le suivi régulier est essentiel pour évaluer la réponse au traitement et l'adapter si nécessaire. Il est important de surveiller :

  • Fréquence et consistance des selles
  • Appétit et énergie du chien
  • Évolution des signes cliniques

Prévention : comment minimiser les risques

La prévention est un élément clé dans la gestion des troubles intestinaux canins. Adopter de bonnes pratiques d'alimentation, d'hygiène et de gestion du stress peut réduire considérablement le risque de diarrhée.

  • Alimentation Appropriée : Choisir des aliments de qualité, adaptés à l'âge et à l'état de santé du chien. Transition alimentaire progressive. Éviter l'indiscrétion alimentaire et l'accès aux aliments avariés.
  • Hygiène : Nettoyage régulier des gamelles. Éviter le contact avec des animaux malades. Ramassage des excréments pour limiter la propagation des parasites.
  • Vaccination et Vermifugation Régulière : Respecter le protocole vaccinal recommandé par le vétérinaire. Vermifugation régulière, adaptée au mode de vie du chien et à son environnement.
  • Gestion du Stress : Offrir un environnement stable et sécurisant. Éviter les situations stressantes. Utiliser des techniques de relaxation (phéromones, compléments alimentaires).
  • Surveiller l'Apparition de Signes Précoces : Changement d'appétit, de comportement, de consistance des selles. Consulter rapidement un vétérinaire en cas de suspicion de diarrhée.

En conclusion : une prise en charge efficace des troubles intestinaux

En suivant ce protocole vétérinaire, les propriétaires de chiens peuvent mieux comprendre les causes, les méthodes de diagnostic et les options de traitement de la diarrhée canine. L'approche individualisée et la communication ouverte entre le propriétaire et le vétérinaire sont essentielles pour une gestion efficace de ce problème de santé courant. Les troubles intestinaux chez le chien peuvent être déstabilisants, mais avec une prise en charge appropriée, la plupart des chiens se rétablissent complètement, retrouvant ainsi leur vitalité et leur bien-être. N'oubliez pas que la santé de votre animal dépend d'une surveillance attentive et d'une collaboration étroite avec votre vétérinaire.